L'essor de la polyphonie religieuse portugaise fut tel, à la Renaissance, que la mode de l'opéra, venue d'Italie, connut un développement relativement tardif à Lisbonne. La première représentation d'un opéra italien n'eut en effet lieu qu'en 1682, mais l'engouement du public fut à la mesure de l'événement, à tel point que, pour deux siècles, l'art lyrique éclipsa presque totalement toute vie symphonique dans la capitale. En mars 1755 un Opéra dont le luxe était à la mesure de la puissance du Portugal voit le jour, et disparaît quelques mois plus tard au cours du tremblement de terre qui ravagea Lisbonne.
La ville dut attendre quelques dizaines d'années pour retrouver un établissement digne de la passion que sa population porte à la voix, une passion jamais démentie jusqu'à nos jours et qui explique une des particularités du Sâo Carlos : contrairement à bien d'autres établissements lyriques européens, celui-ci n'a jamais été un théâtre royal, réservé à l'aristocratie. Ce sont ainsi de riches bourgeois, au nombre de six, dont l'un possédait le monopole du commerce du diamant avec l'Angola et un autre celui du commerce du tabac, qui entreprennent de financer, en 1792, la construction d'une nouvelle maison d'opéra. On décide donc de copier l'édifice lyrique le plus prestigieux de l'époque, le Teatro San Carlo de Naples, d'où ce nom de Sâo Carlos qui peut prêter à confusion chez les mélomanes inattentifs... Et sept mois plus tard, l'Opéra est ouvert. Cette rare célérité dans l'exécution fut grandement facilitée par le dévouement d'un collaborateur actif : le Chef de la Police en personne, qui s'occupa de recruter les ouvriers et surveilla l'approvisionnement du chantier.
Au XIXème siècle, le Sâo Carlos ne s'illustre guère par des créations d'ceuvres de renommée internationale, mais toutes les grandes voix viennent régulièrement se mesurer auprès de ce public averti, qui cède rarement aux caprices de la mode. A notre époque encore, les plateaux réunis sur la scène de Lisbonne sont toujours prestigieux, et bien des discophîles ont par exemple découvert LA TRAVIATA de Maria Callas dans un enregistrement effectué au Sâo Carlos. La direction sait aussi faire une place à l'opéra baroque au sein de sa programmation, un répertoire particulièrement bien mis en valeur dans les ors de l'architecture néo-classique du théâtre.